Giovanni Gentile et la Réforme de l'école italienne (1923): un modèle culturel entre enseignement, politique et société / Genovesi, Piergiovanni. - In: LARIVISTA. - 2:(2015), pp. 47-58.

Giovanni Gentile et la Réforme de l'école italienne (1923): un modèle culturel entre enseignement, politique et société

GENOVESI, Piergiovanni
2015-01-01

2015
Au lendemain de la marche sur Rome et de la formation du premier gouvernement Mussolini, le ministre de l'éducation, le philosophe Giovanni Gentile – sur la base d'une loi qui donnait au gouvernement le pouvoir pour «la réorganisation du système fiscal et de l'administration publique» – construit sa réforme de l’école italienne. Le système éducatif, pour Gentile, doit créer une classe dirigeante de qualité et pour cette raison il doit être élitiste ; à cet effet, l'État doit se concentrer sur l'élite en lui donnant peu d'écoles, mais bonnes. La garantie de cette bonté est offert par un programme scolaire très marqué par une connotation classique: le grec, le latin, la littérature, l'histoire et surtout la philosophie. Le problème le plus immédiat qui affectait l’école italienne, à ses yeux, était constitué par la « foule» excessive qui se pressait dans le système scolaire. Il était donc indispensable d’éliminer le «lest» d'une structure dans laquelle trop de jeunes recherchent quelque chose (une forme de promotion sociale en primis) «qu’ils ne pourront [voire ne devront] jamais trouver». Pour donner forme à ce système Gentile propose une réforme en étroite liaison avec les événements politiques, qui marquent la naissance de la période fasciste : la réforme Gentile joue ainsi un rôle politique crucial, en conférant au régime fasciste et, plus encore à Mussolini, une légitimité à plusieurs niveaux. Grâce à Gentile, en effet, Mussolini donne un projet d’école au fascisme qui jusqu’alors en avait manqué. Mussolini bénéficia aussi du large crédit culturel de Gentile, non seulement comme homme de culture en général, mais aussi en tant qu'expert sur les problèmes éducatifs. Il faut souligner enfin que ce projet lui offre l’opportunité de jeter les bases d'un rapprochement avec l'Eglise, grâce à l'espace offert par sa réforme aux écoles confessionnelles, par l'introduction du catéchisme dans les écoles élémentaires de l’État et aussi du crucifix dans les salles de classe. D’autres éléments, ensuite, comme que le nationalisme exacerbé, le « caractère viril», la primauté donnée à l'autorité étaient aussi des points de contact entre le régime et la pensée gentilienne. Si tout cela est vrai, il est aussi vrai, cependant, que les dynamiques liées à l'avènement du fascisme n'épuisent pas le cadre dans lequel nous devons situer la réforme de Gentile. Tout d'abord parce qu'il y a beaucoup d’éléments en conflit entre les exigences du régime et la vision gentilienne, et en tout premier lieu le fait qu'un système de masse, comme était le fascisme, ne pouvait pas convenir à la position élitiste de Gentile. Mais aussi parce qu'il y a des éléments qui vont au-delà des circonstances et des stratégies que le régime utilise pour se consolider. On peut citer le cas du conflit entre positivistes et idéalistes, entre la connaissance ‘scientifique’ et la connaissance ‘humaniste’. Bien sûr, dans le contexte politique italien, on peut lire cette opposition comme une manifestation du conflit entre le socialisme d’un côté et le nationalisme et puis le fascisme de l’autre. Cependant, il ne faut pas oublier que ce contraste s'inscrit dans un affrontement plus large, au niveau international, entre ‘techniciens’ et ‘humanistes’. Par conséquent, c’est en relation avec ce cadre plus large, qu’il faut analyser les caractères, les applications et les développements du modèle culturel mis en œuvre avec la réforme de Gentile. Surtout le fascisme fige la structure gentilienne dans les sables mouvants de formalisme et du conformisme. Après la chute du fascisme, une généralisation abusive a fait coïncider le modèle de Gentile et le fascisme et a contribué paradoxalement à donner un nouvel élan à des positions qui affirment la primauté du côté pratique et professionnel dans le système éducatif. Bien sûr, dans le modèle gentilien il y avait des limites importantes: les mathématiques et les sciences réduits à savoirs techniques; le mépris de la valeur formative de rationalisme scientifique; la marginalisation de l'expérience esthétique; la réduction de l'étude de l’étude des langues modernes; l'histoire réduite à historicisme; la prédisposition à cultiver un formalisme rhétorique qui alimente un conformisme généralisé. Cependant – surtout si l'on veut analyser la question complexe question du processus de démocratisation - il faut éviter les simplifications et examiner non seulement les connexions qu’il y a entre la réforme Gentile et le régime fasciste, mais aussi les différences, les caractéristiques éducatives particulières du modèle gentilien et les modifications que le fascisme a imposées à ce modèle.
Giovanni Gentile et la Réforme de l'école italienne (1923): un modèle culturel entre enseignement, politique et société / Genovesi, Piergiovanni. - In: LARIVISTA. - 2:(2015), pp. 47-58.
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